Pierre Louiss-Décédé
Pierre Louiss-Décédé
Pierre Louiss (de son vrai nom Pierre Louise) est né le 29 juin 1908 à
la Martinique, dans la petite commune -de
La Trinité. Très lôt, il se passionne pour la musique, apprend à jouer de la guitare et du piano en autodidacte, et commence à se joindre à des musiciens dans les bals et les mariages. Son père, douanier de profession mais aussi musicien amateur et accordéoniste, meurt alors que le garçon n’a que douze ans. Après cet événement, la mère et ses enfants quittenlla Martinique pour aller vivre à Paris, à l’exception de Pierre qui continue sa scolarité comme interne au lycée Schoelcher de Fort-de-France. il sera accueilli pendant cette période au foyer des Rimbaud, qu’il considérera toujours comme sa seconde famille à
La Trinité. Pierre Louiss rejoint sa mère à Paris en 1926 pour préparer sa seconde partie de baccalauréat. L’ayant obtenue, il entreprend des études universitaires mais doit bientôt commencer à gagner sa vie el trouve un emploi de fonctionnaire dans les Contributions Indirectes. n n’abandonne pas pour autant la musique, continuant de se perfectionner à la guitare et animant à chaque occasion des soirées dansantes avec ses amis. il enregistre pour la première fois chez Pathé en juin 1939 pour accompagner la chanteuse martiniquaise Jenny Alpha sur deux disques 78 tours aujourd’hui disparus. Le mois suivant, il enregistre à nouveau chez Odéon deux morceaux de jazz dont l’un de, sa composition, en duo à deux guitares avec le musicien guadeloupéen Albert Lirvat (N.B. : grâce à Daniel Nevers, ce disque 78 tours est aujourd’hui réédité en CD dans l’album intitulé « Antilles Jazz », collection Jazz Time chez HM!). Mobilisé en septembre 1939, Pierre Louiss fait d’abord partie d’un orchestre militaire qui se produit pendant la « drôle de guerre » dans la région du Mans. Envoyé dans la zone des combats quand
la France est envahie par les Allemands, il se retrouve après la débâcle à Carcassonne où il est démobilisé fin 1940. II rentre à Paris et reprend son emploi dans l’Administration des impôts, tout en s’investissant davantage dans la musique. C’est alors qu’il adopte son second instrument : la trompette. pendant l’Occupation, il fait partie de l’orchestre d’Al Verdes à l’Élysée-Montmartre, et participe aussi à des concerts pour les prisonniers. Peu après la libération de Paris, il se produit tous les soirs pendant presque un an au « Potomak Club », un bal organisé pour les soldats américains au siège de l’American Red Cross, dans un grand hôtel de la rue de Lyon. La formation, recrutée parmi les musiciens antill:tis, est alors dirigée par le guitariste guadclonpéen Valentin Gérion. Celui-ci crée avec Pierre Loniss une attraction vocale, le duo des « Tropical Singers », qui passe également au Moulin-Rouge et an Lido de Paris. C’est à celle époque que les musiciens antillais, sous l’impulsion du trompettiste gnadelonpéen Abel Beauregard, se regroupent au sein d’une association: « Le Hot-Club Colonial », déclarée aujournal Officiel du 26 octobre 1945, et qui a son siège au domicile de Pierre Louiss. Celui-ci en est le secrétaire général, puis le trésorier. C’est aussi en 1945 qu’est créée par Louise de Ruyscher et Pierre Magnien »
La Canne à Sucre », le fameux cabaret de Montparnasse qui deviendra bientôt le lieu de rencontre du Tout Paris antillais. D’octobre 1945 à juin 1946, Pierre Louiss en dirige le premier orchestre, comprenant le guitariste guyanais Roland Paterne et le clarinettiste guadeloupéen Ancédy Denis, et il accompagne chaque soir l’artiste guadeloupéenne Moune de Rivel. Pendant un temps, la formation comptera aussi le jeune Pierre Michelot, devenu aujourd’hui le contrebassiste de jazz bien connu. Alors commence véritablement pour Pierre Louiss, pris en main par le célèbre impresario Madame Audiffred, sa carrière de chef d’orchestre. Ayant pu obtenir sa mise en disponibilité de l’Administration des impôts, il passe au casino de Nice (novembre 1947), puis pendant plusieurs mois en Suisse à Lausanne au « Café Métropole » (hiver 1947-1948), revient en France à l’hôtel Bellevue deLille (mars 1948), fait des saisons d’été d’abord à Vichy (1948) puis régulièrement chaque année de 1949 à 1953 au casino d’Arcachon. Entre les saisons d’été, il se produit en Suisse au « Perroquet » de Berne (décembre 1948 et janvier 1949), au « Valencia » de Copenhague (avril 1950), au casino de Besançon (mai-juin 1950) et au « Nolly » de Casablanca deux années de suite d’octobre 1950 à juin 1951 et d’octobre 1951 à juin 1952. C’est en 1952 que, sa mise en disponibilité arrivant à son terme, Pierre Louiss démissionne définitivement de l’Administration pour embrasser la profession de chef d’orchestre. En 1953, il se partage entre le casino de Trouville et le casino d’Arcachon. En 1954, Pierre Louiss fait une saison d’été au casino de Biarritz et participe pendant tout le reste de l’année à de multiples galas. De septembre 1954 à juin 1955, son orchestre fait le succès de la brasserie « Le Floréal », boulevard Bonne-Nouvelle, à Paris. Pendant l’été 1955, il est ensuite au « Café de
la Plage » à Biarritz. En 1956, Pierre Louiss se produit au casino de Trouville, au « Palais de
la Bière » à Nancy, une dernière fois au casino d’Arcachon pendant l’élé, puis devient le chef d’orchestre quasi permanent du casino de Trouville de 1957 à 1962, cinq années entrecoupées de divers galas, d’une saison d’été au casino des Sables-d’Olonne en 1960, et de petits contrats dans plusieurs brasseries de province et de Suisse. Pierre Louiss fait sa dernière saison d’été en France au casino de Saint-Georges-de-Didonne (juillet-août 1963) avant d’aller s’installer définitivement à
la Martinique. Pendant presque six années, de juillet 1964 à février 1970, il est le chef d’orchestre attitré du « lido Hôtel », situé sur la commune de Schoelcher, à deux pas de Fort-de-France. La popularité croissante de certaines de ses compositions, comme « Tout Piti » et « ‘lu peux compter sur moi », l’incite à publier à cette époque sous la marque « Tropic » trois disques 45 tours, enregistrés à Paris, qui recueilleront un vif succès tant Guadeloupe qu’à
la Martinique. A partir de 1970, passablement épuisé, il laisse sa place de chef d’orchestre pour se consacrer avec sa femme, et avec l’aide amicale de son frère Georges Louise, à la gestion et à l’animation du « Madras », le petit hôtel restaurant qu’ils ont ouvert deux ans plus tôt près de la plage de Tartane, dans la commune de
La Trinité. Chaque dimanche de 10 heures à 14 heures, Pierre Louiss y crée l’ambiance du « punch en musique » avec des musiciens locaux. Pendant ce temps, il ne cesse de composer et de travailler dans un petit studio d’enregistrement qu’il s’est aménagé, et réalise par lui même un disque 33 tours où il assume à lui seul dans certains morceaux la quasi-totalité des instruments. II prépare également des bandes pour l’émission « Signé Pierre Louiss » qu’il anime régulièrement sur les ondes de l’ORTF à
la Martiuique. fi n’arrêtera véritablement de jouer qu’à partir de 1978, quand sa santé se mettra sérieusement à décliner après le choc causé par la mort prématurée de son frère. Miné progressivement par la maladie, Pierre Louiss décède le 31 mai 1986, dans sa 78′ année, au Centre Hospitalier Spécialisé du Carbet à
la Martinique.
Pierre Louiss représente un cas unique dans la grande famille des musiciens antillais. Bercé très tôt par les disques d’Armstrong, Basie, Ellington, il restera marqué toute sa vie par la musique de jazz, influence d’où vient le swing présent dans presque tous ses enregistrements. Aussi bien dans les tempos lents ou rapides,pierre louiss développe cet art
du swing par son goût du riff dans les orchestrations, ou encore par son intelligence de l’after-beat dans les ornements ou les accords dont il ponctue la mélodie à la guitare. Eutièrement autodidacte dans la musique, Pierre Louiss est un arrangeur et un harmonisateur né. C’est à la guitare qu’il exprime le mieux son invention et sa sensibilité, notamment à la guitare électrique dont il fut l’un des premiers musiciens antillais à tirer parti des nouvelles possibilités. Sa technique instrumentale et son style à la trompette ne sont pas sans défaut, mais il sait nous séduire par la conviction et la sincérité de son jeu. Tout au long de sa carrière, Pierre Louiss s’est entouré de musiciens talentueux et expérimentés qui, si certains ont pu rester dans l’ombre, n’en constituaient pas moins une arrière-garde à toute épreuve : son cousin Lionel Louise, les Antillais Ernest Léardée, Edmond et Valentin Gérion, Roland Paterne, Christian]ean-Romain, Barel Coppet, Pierre Chonchon, Lucien Popote, Gaby Malahel, Eddy Paupard, Maurice Dobal, Germain ]allier, Eugène Eugénia, les Métropolitains Robelt Abecassis et Marcel Dronne, l’Espagnol Salvador Creuzet dit « Amigo », le Dahoméen Francis Dunglas à la voix de crooner, le Trinidadien Albert Gibbs, le Soudanais Sy … À cette longue liste n’oublions pas d’ajouter Eddy Louiss, le fils prodige de Pierre Louiss, aujourd’hui organiste de renommée mondiale, et qui avait huit ans en 1949 lorsqu’il chantait déjà des airs de swing sur la scène du casino d’Arcachon.
Rompu pendant des années à l’animation des dancings, brasseries et casinos de France et d’Europe,
faisant preuve d’un éclectisme total dans ses choix musicaux, Pierre Louiss est avant tout un artisan chevronné de la musique de danse et de variété. Mais il se double aussi d’un compositeur et d’un parolier hors du commun. Les textes de ses chansons, mettant en scène avec humour les choses ordinaires de la vie, dénotent un extraordinaire talent de chansonnier, un sens aigu de la dérision mais sans la moindre trace d’acrimonie, qui emportent inévitablement le sourire et la bonne humeur. Ses paroles nous dévoilent aussi sa pensée intime, une philosophie pleine de lucidité, de sagesse, d’optimisme, d’amour et de paix. Quand Pierre Louiss nous les interprète de sa voix enrouée, chaleureuse et si particulière, c’est un vrai régal que de les écouter. Pierre Louiss ne nous a malheureusement laissé que peu de disques: quelques enregistrements dans l’orchestre de Barel Coppet chez Philips, deux ou trois disques à la direction de l’orchestre qui accompagne la chanteuse guadeloupéenne Mourre de Rivel chez RCA, et tout le reste réalisé pratiquement à compte d’auteur, après son retour à
la Martirnque. C’est une sélection de ces derniers disques devenus introuvables que nous reproduisons dans cet album. Nous les avons complétés de plusieurs enregistrements totalement inédits retrouvés parmi les bandes magnétiques conservées par la famille de Pierre Louiss. Réunis pour la première fois après bien des années d’oubli mais sans rien avoir perdu de leur fraîcheur, de leur jeunesse et de leur actualité, ces émouvants et précieux documents, en nous restituant j’artiste aux mille et une facettes, révèlent sous un jour nouveau l’envergure et l’exceptionnelle originalité de son talent.
Jean-Pierre MEUNIER
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