( 24 juillet, 1939 )

Alexandre Stellio-Décédé

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 Alexandre Stellio-Décédé

C’est le 16 avril 1885 à huit heures du soir, sur le territoire de la commune des Anses-d’Arlets au sud ouest de
la Martinique, qu’une jeune cultivatrice âgée de 22 ans, Louise Pierre-Lucien, met au monde dans sa demeure située au lieu-dit « Le Flandrin » un enfant du sexe masculin qu’elle prénomme Fructueux. Elle ira le déclarer à l’État-Civil le 18 mai suivant comme en a gardé trace l’acte de naissance n° 56 rédigé devant deux témoins par Victor Genty, maire des Anses-d’Arlels. Cet acte de naissance reste cependant totalement muet quant à l’identité du père. On sait peu de choses sur l’enfance de celui qui, en dépit de ses origines bien modestes, allait devenir le plus célèbre interprète et compositeur de musique martiniquaise. Quelques informations nous sont données par son épouse Adéla, décédée en janvier 1992 à l’âge de 94 ans. Louise Pierre-Lucien ne tarde pas à quiller les Anses-d’Arlets pour aller vivre à Saint-Pierre où, vraisemblablement, il lui était plus facile d’assurer la subsistance de sa petite famille. Nul doute que le jeune Fructueux ait été profondément marqué par l’effervescence musicale qui régnait en permanence à Saint-Pierre, centre culturel, politique et commercial de
la Martinique jusqu’à l’éruption de

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la Montagne Pelée qui détruisit la ville en 1902. Très tôt, le garçon s’exerce à reproduire les airs populaires sur une petite flûte. C’est pendant celle période, en 1892, qu’il est reconnu par son père, Émile Alexandre, un marin pêcheur alors âgé de cinquante ans. En 1898, après semble-t-il un séjour de deux années à Fort-de-France, la mère s’embarque avec ses enfants pour
la Guyane et s’installe à Cayenne, dans une maison appartenant aux parents de Gaston Monnerville, qui fut Président du Sénat de 1947 à 1968. Tout jeune témoin de cet épisode, Gaston Monnerville se rappelle que Fructueux avait un frère aîné et deux soeurs. Pour gagner sa vie et aider sa famille, le jeune homme apprend le métier de cordonnier. C’est alors qu’il se prend de passion pour la clarinette, instrumeut qu’il étudie opiniâtrement en autodidacte, et dont il acquiert peu à peu une étonnante maîtrise. Quelques années après la catastrophe de 1902, il se joint à des musiciens locaux et devient une célébrité de Cayenne en se produisant au « Petit Balconl », le principal dancing de la ville. La capitale guyanaise, où avait émigré depuis longtemps une importante colonie martiniquaise, joua de toute évidence un rôle essentiel dans la survivance du patrimoine musical de Saint Pierre, constitué comme on le sait de biguines, valses, mazurkas créoles, chansons satiriques et politiques (se reporter à J’album BIGUINE, double CD, réf. FA007). Dès cette époque, le clarinettiste se forge un style personnel, identifiable dès la première note, caractérisé tant par la sonorité incisive si particulière obtenue de son instrument que par le lyrisme flamboyant de ses interprétations. Un admirateur lui donne bientôt le surnom de STELLIO, surnom qu’il portera toute sa vie et qui deviendra son second patronyme. Fructueux Alexandre s’appellera désormais Alexandre Stellio, l’étoile de la musique créole.

A Cayenne, Stellio joue aussi dans une petite salle de cinéma exploitée par un homme d’affaires martiniquais installé en Guyane, René Didier. Le musicien a été engagé pour agrémenter la projection des films muets en créant sur le vif l’ambiance correspondant à chaque scène. Après la fin de la première guerre mondiale, René Didier décide de venir s’établir en Martinique. Il s’associe à William Ba’rdury, le tout premier concessionnaire d’un cinéma à Fort-de-France, et fait construire, au 34 de la rue Lazare-Carnot, une salle moderne de quatre cents places. Pour la réussite commerciale de son entreprise, René Didier s’assure bien évidemment le concours de Stellio et de ses improvisations musicales. C’est dans ces circonstances qu’en 1919 notre musicien remet le pied sur son île natale, après en être resté éloigné pendant plus de vingt ans. La formation du cinéma Gaumom comprend, outre le clarinettiste, deux musiciens recrutés sur place:

Ernest Léardée (violon) et Duverger (violoncelle). Dès son arrivée, Stellio se produit dans divers dancings (souvent appelés « casinos ») de Fort-de-France: le « Casino Bagoé » de la rue du Pavé, le « Dancing Palace » qu’il inaugure en 1919 avec Léardée au n° 5 de la rue

du Commerce. La musique du Maestro fait l’effet d’une révélation sur le public qui redécouvre avec stupéfaction le répertoire et l’ambiance des bals de Saint-Pierre. Stellio, dont le jeu fougueux, mordant, puissant et nuancé correspond si bien à la sensibilité créole, enflamme littéralement ses compatriotes. Il est de plus en plus demandé pour animer les réunions dansantes de la société martiniquaise. A partir de 1922, Stellio joue au « Sélect Tango », 68 boulevard Allègre, en alternance avec le titulaire du lieu, le clarinettiste Léon Apanon qui en avalt fait l’ouverture le samedi 8 janvier de l’année précédente. Mais les jeux des deux interprètes ne supportent pas la juxtaposition. Une rivalité se fait jour. Au bout de quelques mois, la dissension éclate et Stellio quitte le Sélect Tango avec fracas. Trois cents mètres plus loin, il ouvre sa propre salle de bal, qu’il baptise le « Quand-Même », dans un entrepôt mis à sa disposition par René Didier dans [‘enceinte de la fabrique de glace industrielle que celui ci exploite à
la Pointe Simon, en bord de mer. Cet épisode savoureux consacrera pendant des années la suprématie artistique de Stellio. En peu de temps, le Sélect Tango se vide de ses clients, tandis que le Quand-Même n’arrive pas à accueillir toute la foule des danseurs venus biguiner sur la musique de leur idole. Léon Apanon en personne, accompagné de son tromboniste Masséna, viendra un soir au Quand-Même proposer la réconciliation à son rival. Celui-ci se laissera convaincre et, pour célébrer sa victoire, composera la biguine intitulée Quand-Même, présente dans cet album. A grand renfort de publicité, la direction du Sélect Tango annonce le retour de Stellio au grand bal d’inauguration donné le samedi 5 janvier 1925 pour la réouverture du dancing. Par la suite, Stellio continuera d’y jouer régullèrement, et ce jusqu’à son départ de
la Martinique en 1929.

Vers la fin des annéés vingt, Stellio, au sommet de sa popularité, se sent bien à l’étroit dans son île. Et les Martiniquais qui reviennent de Paris rapportent des nouvelles qui font rêver. Il se prépare là-bas, pour le prestige des Colonies Françaises, une exposition comme on n’en a jamais vue. Il paraît aussi que, dans un petit bal antillais du 15e arrondissement, la biguine remporte un succès fou auprès d’une certaine clientèle d’artistes et d’intellectuels de Montparnasse. Aussi, quand Ernest Léardée fait part à Stellio de son intention de partir à Paris, le chef d’orchestre se laisse-t-il tenter par l’aventure. C’est à ce moment que deux Martiniquais:

Monsieur Blérald, voyageur de commerce, et Monsieur

Laviolette, officier de
la Marine Marchande, font le projet d’ouvrir à Paris un nouveau bal de bonne fréquentation. Là pourront se retrouver chez eux, dans une ambiance familiale, tous les Antillais qui fuient le Bal Colonial du 33 de la rue Blomet, envahi par une foule de curieux depuis qu’il fait la une des journaux. Le 14 décembre 1928 en effet, Madame Weiler, fille d’un riche industriel, a tué de trois balles de revolver son mari, ingénieur et fils du Gouverneur Militaire de Paris, au retour d’une folle nuit passée au Blomet, faisant à cet établissement une publicité dont il se serait bien passé. Léardée et Stellio s’associent à Archange Saint-Hilaire,

un fameux tromboniste revenu de Guyane deux ans auparavant, et qui les accompagne souvent au Sélect Tango. Les trois compères, ayant réuni les fonds nécessaires, engagent le violoncelliste et pianiste Victor Collat, ainsi que le batteur et chanteur Orphélien (de sou vrai nom Paul Crémas). Les cinq musiciens quittent Fort-de-France sur le « Pellerin de
la Touche »
de
la Compagnie Générale Transatlantique dans la soirée du samedi 27 avril 1929 et débarquent au Havre le jeudi 9 mai au matin. L’après-midi, ils sont à Paris où les attendent Blérald et Laviolette qui ont prévu leur hébergement dans un hôtel meublé au 9 rue Berthollet.

Une seule journée pour répéter et, le samedi Il mai au soir, ils font l’ouverture du « Bal de
la Glacière », boulevard Auguste Blanqui dans le 13′ arrondissement, devant une foule enthousiaste informée depuis longtemps de leur arrivée. En dépit de ce premier succès, le Bal de
la Glacière doit fermer au bout de quelques mois en raison des plaintes du voisinage, peu habitué à cette animation nocturne, comme nous l’a rapporté Léardée. Les musiciens se produisent alors, ûn 1929, en semaine au « Canari », 8 Faubourg Montmartre, ainsi que dans un restaurant du Quai de Bercy, « le Rocher de Cancale », transformé le samedi et

la plupart des musiciens de l’Exposition, qui enregistre le 20 novembre chez PATHÉ les six derniers titres reproduits dans cet album. L’année suivante, Stellio se vit contraint, pour des raisons financières, de fermer son établissement. Il put cependant le rouvrir à la même adresse en novembre 1932 sous un autre nom: le « Madinina Biguine ». L’objet de la présente réédition s’arrête aux trois premières années de l’activité discographique de Stellio. Mais cette activité ne fut pas moins intense par la suite, puisqu’on a pu répertorier au moins 128 faces enregistrées par le chef d’orchestre d’octobre 1929 à décembre 1938. Celui-ci devait mourir à Paris l’année suivante, le 24 juillet 1939, des suites de l’embolie qui le terrassa devant son public le 15 avril, veille de son anniversaire, alors qu’il animait un bal, rue de
la Huchette.

Les quarante premières faces enregistrées par Stellio, au delà de l’éclairage qu’elles nous apportent sur l’art de l’instrumentiste, constituent un précieux ensemble documentaire sur la musique martiniquaise du début de ce siècle; sur ses thèmes, inspirés de la chronique de l’époque; sur ses sonorités résultant à la fois de la structure des orchestres et du style des interprétations. La toute première séance en particulier nous fait découvrir ce son étonnant obtenu par la fusion intime de la clarinette, du trombone, et du violon, ce dernier étant joué parfois pizzicato, à la manière d’un banjo. Les enregistrements réalisés deux ans plus tard au moment de l’Exposition ne reconstituent que partiellement ce style originel, le trombone de Masséna se limitant le plus souvent à des effets de riffs, bien moins éloquents que les contrepoints alertes, mobiles et puissants improvisés par Saint-Hilaire. On pourra aussi reprocher à certaines des premières exécutions les défauts de leur jeunesse: un tempo mal assuré, ou des instruments insuffisamment accordés. Les interprétations vocales d’Orphélien, à la voix singulièrement féminine, surprendront parfois. Mais ces imperfections se laissent vite oublier du fait de l’extraordinaire charisme du clarinettiste, menant son orchestre à sa guise, jouant sans jamais faiblir, parfois d’un bout à l’autre du morceau, développant le thème, stimulant les musiciens, assurant le lien entre les divers instruments. Bien des contemporains de Stellio ont été stupéfaits de sa technique développée sur un instrument antique qui n’avait pas encore bénéficié de tous les perfectionnements du système Boehm, et sur lequel l’artiste employait les anches les plus dures. Le disque nous restitue aujourd’hui avec fidélité la sonorité ample et incisive, le phrasé flexible, nuancé, expressif, la richesse d’invention mélodique, la puissance de souille, l’ardeur passionnée du créateur, toutes qualités qui firent la gloire de Stellio à son époque.

Jean-Pierre MEUNIER  © FRÉMFAUX & ASSOCIÉS S.A. 1994 

Fructueux Alexandre, dit Alexandre Stellio ou tout simplement Stellio, est né le 16 avril 1885

Commune des Anses-d’Arlets Martinique

Il Joue rue de
la Huchette (Claude Luter dit avoir pris des leçons de  clarinette de Stellio), L’orsque,victime d’un infarctus, il

s’écroule en scène, le 15 avril 1939 ; il allait avoir 54 ans. Transporté à l’hôpital de l’Hôtel Dieu, tout proche, il y meurt le 24 juillet 1939 a près une longue agonie, sans même

Avoir pu écouter les six dernières faces qu’il a enregistrées quelques mois plus tôt.

La trajectoire parisienne de Stellio aura duré exactement dix ans. Une décennie seulement, durant laquelle il aura révélé les rythmes créoles aux parisiens, influencé toute une génération de clarinettistes, pesé sur l’évolution du jazz français, et surtout nous aura laissé en héritage, l’énorme production phonographique d’environ soixante disques double face, quelque cent vingt morceaux, la plupart de sa composition ou bien ses propres arrangements d’airs traditionnels.

C’est une partie de cet héritage que nous rééditons sur ce compact, afin que Stellio, l’étoile noire de la musique créole, brille à jamais dans nos cœurs et au firmament des musiciens disparus.    

Alain Boulanger 

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